’aurai apprécié que les lands n’entrent pas en guerre ce soir, alors que pour une fois je sortais en dehors de chez moi, sans mes habits de pirates. Pour aller voir mes premiers amis en ce monde, je me faisais exceptionnellement beau. Homme, comme ils aiment me le répéter. Aucun des deux n’avait imaginé le jour où ils m’ont offert le gîte et le couvert que je terminerai pirate sanguinaire capitaine de son propre bâtiment. Alors forcément, pour Noël, je leur fais un petit plaisir. Je viens barbe taillée, cheveux tressés et en vêtements presque normaux. En ces soirées de fêtes il ne s’est jamais rien passé de palpitant. Rien. Jamais. Ce soir ne devrait pas être différent normalement, et pourtant il l’est. A l’instant même où je vois la brume envahir Main Street je sens venir le coup foireux. Bras devant eux, je fais reculer mes amis loin du sapin et de cette brume qui continue de s’avancer. Sourcils froncés, je la regarde comme si elle était vivante, droit dans les yeux. A croire qu’elle relève le défi que je lui intime moralement.

Va y. Essaye un peu de gâcher la fête de Noël.

Pire que des giboulées. En un instant, la grand place de Main Street se retrouvée noyée dans la panique. Une tempête de neige se lève et assomme la population, le vent fais valser les décorations suspendues, quelques grosses boules de verres s’éclatent avec fracas sur les dalles du land normalement le plus calme … Les cris montent alors, perdu dans le boucan du vent et des grêlons heurtant le sol. D’un geste, je pousse mes amis à prendre la fuite. Leur maison n’est pas loin et ils sont assez jeunes pour courir et sauver leur peau. Dans la cohue, des familles nous bousculent, je pousse Martha à aller plus vite, retient Jacob alors qu’il trébuche une fois. Une enfant me percute de plein fouet. Je m’arrête, elle hurle, les fesses au sol. Elle a perdu son père. D’un bref coup d’œil, je vois Martha et Jacob pénétrer chez eux, ils me cherchent. Tant pis. Un bras au-dessus de ma tête en guise de protection, je me penche et ramasse la gamine. Elle pleure tout ce qu’elle peut. Son père doit aussi la chercher. La tempête redouble, la grêle nous frappe en pleine tronche. Ma gueule ne risque pas grand-chose de plus, la petite blonde que je tiens sous un bras est encore belle. Je la protège tant bien que mal en tournant sur moi-même. Les gens nous bousculent, je scrute les alentours. Là, a une dizaine de mètre, un homme fait comme moi. J’avance, il nous voit. Sans sourire, visage cinglé par la neige, il prend sa fille et s’en va. Je dois faire de même. Ça pique bordel. De rage, j’essuie ma joue et découvre du sang. La grêle va m’arracher la peau si je reste là-dessous plus longtemps. Quasiment tout le monde a déjà rejoint un abri, j’dois être un des derniers tarés à ne pas s’être encore réfugié. Arasé, je trace aux arcades, premier endroit à portée de pas.

« Bordel de merde ! » Mi-hurlement mi-grognement, j’exprime mon soulagement à enfin être sortit de sous cette tempête de fou. Adossé à la porte, respirant comme un bœuf, quelques voix me font lever le regard. Un mince sourire en coin se dessine sur mon visage. Et dieu sait que c’est très rare que j’exprime ce genre de faciès. « Qui l’eut crut ! Ce cher William ! » Je m'approche claudiquant pour lui serrer la main. Enfin autant qu'un puisse la serrer à un fantôme. C'est un ami. Je crois … disons que c’est un ami lorsqu’il ne parle pas de me faucher l’âme, fusse-t-il en riant. Toujours est-il que ce n’est pas son unique présence qui me fait sourire, mais plutôt le reste de ma compagnie. « Miss Ravenswood.» salué-je en inclinant poliment la tête. « Chaton … ». Je suis certain qu’Olympe va détester que je l’appelle ainsi devant sa maitresse …