Il est difficile de se décrire avec exactitude car il existe des situations exceptionnelles qui font appelles à des caractéristiques de notre personnalité qu'on n'aurait jamais soupçonné, pourtant elles sont bien là, cachées, attendant patiemment le moment de surgir de nulle part et de s'afficher au grand jour, profitant un temps de leur moment de gloire. Il y a aussi les capacités que l'on croit avoir, dont on tente désespérément de s'en persuader, qu'on espère secrètement, qu'on jalouse, qu'on adule, qu'on appelle de ses voeux. Et puis il y a ce que l'on est vraiment, par obligation, par apprentissage ou par nature et ce qu'on fait croire d'être, pour faire plaisir, pour être accepté, pour être pris au sérieux, pour se cacher, pour oublier ...

Si je devais me décrire, je dirais que je suis une femme forte, déterminée, intrépide, aventurière, courageuse, bagarreuse, têtue, colérique, vaniteuse, capricieuse, ne connaissant ni la peur, ni la crainte de la mort, la défiant même constamment, non pas pour trépasser, mais pour la narguer, lui démontrer que je suis plus forte qu'elle, que ce n'est pas mon heure, pas tant que je ne l'aurais pas décidé. Oui, c'est exactement comme ça que je me décrirais, mais ce n'est pas parce que je le dis, que j'y crois  dur comme fer et que j'aspire à être cette femme, que je le suis vraiment. Non, malheureusement, j'ai beau l'espéré, j'en suis bien loin. Serait-ce un idéal à atteindre ? Oui, peut-être ou du moins quelque chose qui me fait tenir, un objectif qui m'aide à avancer, à continuer, à espérer à des jours meilleurs.

Objectivement, je pense être malgré tout une femme forte, peut-être pas autant que je l'espérerais, mais je garde la tête haute, aspirant à des jours meilleurs. Je suis déterminée à m'élever au dessus de ma condition actuelle, cela dit il serait bien difficile de faire pire que d'écarter les jambes pour le bon plaisir des hommes. Je suis déterminée à m'en sortir, à devenir quelqu'un sans réellement savoir ce que cela implique réellement et où est-ce que cela va me conduire. Je ne suis malheureusement pas du tout intrépide ou aventurière, sinon je serais partie depuis longtemps pour d'autres horizons. Non, j'ai trouvé une espèce de routine qui me rassure et je me dis, au fond, que j'aime me faire du mal pour rester dans ce bordel. Je ne suis pas réellement courageuse, je tremble souvent de peur, même si je le cache, je ne fais pas longtemps ma fière, même si je tente de garder la tête haute. Je suis moins malléable que je l'étais à mon arrivée, ce qui déjà est un bon début. On aurait pu me faire gober n'importe quoi, il y a encore quelques années, aujourd'hui je suis une femme qui à du mal à croire au conte de fée, qui ne croit plus en l'amour, qui se contente de ce qu'elle a, sans pour autant mettre de côté ses rêves. Têtue pour le coup, je le suis assurément. Quand j'ai une idée en tête, il est bien difficile de me l'enlever, je me prends des coups parfois à cause de ce trait de caractère, mais il faut croire que je suis ainsi faite. Je ne suis pas réellement narcissique, loin de là même. Je ne me trouve pas moche, mais je n'ai rien d'extraordinaire. Je suis fine, c'est vraie, mais je n'ai pas de poitrine volumineuse qui pourrait en faire rêver plus d'un. Je m'y suis faite avec le temps, j'assume aujourd'hui mes non-rondeur, mais cela ne plait pas toujours à tout le monde. Que pourrais-je dire de plus ? Je ne suis pas une mauvaise menteuse, après tout je mens chaque jour en faisant croire aux hommes qui viennent me voir qu'ils sont exceptionnels et que j'y prends beaucoup de plaisir.

Il était une fois...

Je déteste les histoires qui commencent de cette façon, car bien souvent elles se terminent par "ils vécurent heureux et eurent beaucoup d'enfants" ... Conneries ! Pourtant, jadis, avant d'arriver ici, mon histoire aurait pu commencer de cette façon. J'avais une belle vie, le monde à mes pieds et l'opportunité de devenir qui je voulais. Est-ce une bonne chose qu'aujourd'hui je ne m'en souvienne pas ? Je crois oui, au moins je n'aurais pas à avoir honte de ce que je suis devenue. La moi d'avant ne pourra ni me juger, ni me critiquer, ni se moquer, puisqu'elle n'existe plus.

Je suis originaire de Cambridge, en Grande Bretagne. Je viens d'une famille aisée, mon père était un homme d'affaire et ma mère était avocate. J'avais un frère de deux ans mon ainé et une petite soeur de 3 ans de moins que moi. J'ai vécu une enfance plutôt heureuse, grandissant dans une belle maison en bordure de Cambridge. Je suis allée à la fac à Oxford où j'ai étudié le droit, voulant prendre la relève de ma mère. Moi, la femme désenchantée d'aujourd'hui aurait bien dû mal à croire qu'à l'époque, j'étais heureuse et amoureuse. J'étais fiancée à un jeune homme qui étudiait le droit, tout comme moi. Nous nous fréquentions depuis trois ans et nous avions pour projet de nous marier ...

C'est quand même un peu dommage de n'avoir aucun souvenir de notre vie d'avant. J'aurais aimé me souvenir des moments et de la complicité que je partageais avec mon frère et ma soeur. Des voyages qu'on a fait en famille, des caprices que l'on faisait à tour de rôle pour obtenir tout et son contraire, des rires que l'on partageait, des cadeaux que l'on s'offrait à Noël. Mes parents travaillaient beaucoup afin de nous offrir tout le confort nécessaire à notre train de vie, plutôt agréable, il faut bien l'avouer. Il est dommage de ne plus me souvenir de notre nounou, qui nous a gardé toute notre enfance, une très sympathique femme qui me faisait parfois penser à Mary Poppins. Je ne me souviendrais jamais du nombre de fois où j'ai fais le mur pour rejoindre mes amis le soir quand j'étais ado ou pour rejoindre mes copains de l'époque. Il n'y avait pas eu que des bons souvenirs, bien évidemment. J'ai eu des problèmes de drogue à 17 ans, j'ai suivi une cure de désintox et je suis restée clean durant 2 ans, mais je suis retombée dedans à 19 ans, juste un peu avant de rencontrer l'homme qui devait partager ma vie. Mes parents ont tout fait pour cacher cette histoire, ne voulant ni détruire mon avenir, ni entacher leur si belle réputation qu'ils aimaient tant. Les faux-semblants et les mensonges étaient légions dans le monde dans lequel nous gravitions. Je ne suis pas tombée dans la drogue sans raison, j'ai juste eu du mal à supporter la mort de mon frère. Officiellement, il est mort dans un accident de voiture, officieusement, il a foncé volontairement contre ce platane, ne supportant plus la pression familiale et la pression dû à ses études. La seconde fois où j'ai replongé dans la drogue c'est l'année où il est mort, période difficile pour moi qui étais le plus proche de lui. Josh m'a aidé à en finir avec la drogue, à décrocher comme on le dit si bien. Je me suis replongée dans mes études, voulant que mon frère soit fière de moi, un peu stupide comme pensée j'en conviens mais on s'accroche à ce que l'on peut.

Avec un groupe d'amies, nous avons décidé de séjourner quelques jours à Paris, afin de fêter la fin de notre année et mon futur mariage. Un petit voyage entre filles ne pouvait se faire qu'à Paris, bien évidemment. Dépenser nos héritages respectifs dans les boutiques de luxe fut un véritable plaisir et pour plaisanter, on a décidé de passer une journée à Disney. On a fait une multitude d'attractions, s'amusant comme des folles. J'ignore qui a proposé l'idée de  la Tour de la Terreur, moi peut-être, pour marquer le coup. Personne ne s'attend à être projeté dans la quatrième dimension... quand je suis sortie de l'ascenseur, je ne me souvenais plus de rien. Qui étais-je ? Que faisais-je là ? J'ignore comment je suis arrivée ici, ni ce que sont devenues mes amies. On est sortie ensemble de l'ascenseur mais sans aucun souvenir de notre amitié. On s'est séparée presque aussitôt, sans regret. J'ignore ce qu'elles sont devenues et je ne m'y suis jamais intéressée puisque je n'ai plus aucun souvenir d'elles.

J'ai erré quelques temps dans les différentes land, essayant désespérément de me souvenir d'où je venais. A force qu'on me demande comment je m'appelle, j'ai fini par inventer un nom. J'ai choisi Belladone car c'est une très belle fleur mortelle et je dois avouer qu'avec le temps, je trouve qu'elle me correspond parfaitement bien. J'ignore pourquoi j'ai choisi Sasha comme second prénom, je sais juste que c'est un des premiers prénoms qui me vient à l'esprit et que j'aime à l'entendre. Etait-ce le mien ? C'est en tout cas en rapport avec mon ancienne vie, j'en suis presque sûre ou du moins je l'espère, je m'accroche à l'idée que ce prénom à un lien avec celle que j'étais avant, mais sans assurance aucune et sans possibilité de le découvrir un jour. Pour le nom de famille, c'est le premier qui m'est venu à l'esprit. Liddell, j'ignore d'où je le sors, mais il me plait. Il est dommage que je ne me souvienne plus qu'Alice au pays des merveilles était une de mes histoires préférées quand j'étais enfant et que je me suis souvent identifiée à elle.

Je me suis arrêtée à Adventure Bey car naïvement je voulais être pirate. Je dis naïvement parce que j'ai été sotte de croire que j'aurais la carrure pour. J'étais prête à me travestir pour m'engager, portant des vêtements masculins pour qu'on me foute la paix. Le problème était les conditions peu ragoûtantes dans lesquelles les gars vivaient sur le bateau, qui je dois bien l'avouer, me donnait des hauts le coeur - bourgeoise un jour, bourgeoise toujours ... - et surtout le fait que moi et l'eau, ça fait 15 même si j'avais un peu oublié. Je n'ai pas le pied marin et l'idée de me retrouver au milieu de l'eau durant des jours entiers était loin de me faire rêver. J'étais prise de panique à l'idée qu'on coule ou qu'on me jette à l'eau pour X raison. Je me suis rendue compte que je n'étais pas faite pour être pirate quelques jours après avoir embarqué sur un petit bateau dont le nom m'échappe aujourd'hui car il a coulé depuis 3 ans maintenant. Je me souviens par contre de son capitaine, un homme du nom de Jork. Il avait une haleine pestilentielle, buvant comme un trou et jurant comme un charretier. Vulgaire, violent, enfin un pirate quoi. Je ne saurais vous dire combien de fois j'ai lavé le pont, tout ce dont je me souviens c'est que je ne gardais pas bien longtemps un repas, vomissant trip et boyaux à la première secousse venue. J'ai été un pitoyable mousse, je crois que je resterais dans l'histoire comme le pire. Je me suis pris des coups parce que j'étais mauvais, on m'assurait que je finirais par m'y habituer mais je n'ai pas eu le temps de vérifier cette affirmation. D'un commun accord, j'ai été viré du bateau, je faisais perdre du temps à l'équipage, les entravant dans leurs manoeuvres et il était hors de question pour moi de rester plus longtemps sur ce navire de malheur. J'ai fini par abdiquer au bout de quoi ? Une semaine tout au plus, et j'ai oublié cette si brillante idée, il y a ceux qui sont fait pour ça et il y a moi.

J'ai demandé s'il y avait du boulot un peu de partout, mais sans grand succès, ça arrive souvent quand on est bonne à rien. Finir dans la rue ne m'enchantais pas spécialement et il faut bien avouer que je savais que je ne tiendrais pas bien longtemps. On a fini par me conseiller de me rendre au Redhead's Alley, que peut-être ils auraient quelque chose pour moi. J'étais loin de me douter que c'était un bordel et je dois bien avouer que sur le coup, j'étais plus scandalisée qu'on m'est indiqué cet endroit qu'autre chose. Mais voilà, j'étais sans argent, sans souvenir et sans avenir, surtout si je finissais à la rue. La proposition était plutôt simple. Je serais nourris, logée et blanchie et en contre partie, j'acceptais les clients qui me choisissaient. Au début, ce fut extrêmement dur de laisser un parfait inconnu me toucher. Je jouais les rebelles, les filles sauvages. Ca en excitaient quelques uns au début, jusqu'à ce qu'ils se rendent compte que le jeu était poussé à l'extrême et que je ne les laisserais jamais poser les mains sur moi. Les deux premiers jours, on se contenta de m'engueuler, tenter de me faire comprendre que ça n'allait pas pouvoir continuer, mais sans plus. Ce fut le troisième jour où je compris que si je continuais comme ça, je finirais à la rue bien avant que je m'en rende compte. On se souvient toujours de son premier client, on oublie les autres. J'ai fini par rentrer dans le rang. Je ne suis pas la fille de joie la plus douée qui existe, mais je me débrouille pas trop mal. Aujourd'hui j'arrive à compartimenter ce que je veux et ce que je dois faire pour survivre. Je sais que j'ai une dette a payer, je me dis que ce n'est que pour ça que je reste au Redhead's Alley, mais je ne crois pas que ce soit la seule raison. C'est la seule chose que je sais faire et je le fais plutôt bien, en tout cas suffisamment bien pour avoir encore des clients. Je suis habituée à cette routine, mine de rien, elle me rassure. M'en aller signifierait repartir à l'aventure, risquer ma vie, me perdre, et pour quoi au juste ? Du changement ? Mais aurais-je réellement une vie meilleure que celle que j'ai ici ?